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Dossier médical d’un défunt : un accès exceptionnel soumis à des conditions strictes

Civil - Civil, Personnes et familles
17/10/2025

L’accès au dossier médical est l’un des sujets les plus sensibles en droit de la santé. Protégé par le principe fondamental du secret médical, il ne peut être consulté librement, y compris après le décès du patient. Pourtant, la loi prévoit des cas précis dans lesquels les proches peuvent accéder à certaines informations. Ce droit, souvent invoqué dans des contextes familiaux ou successoraux, répond à un régime juridique rigoureux qu’il convient de maîtriser.

Un accès dérogatoire au secret médical

De son vivant, le patient est seul maître de son dossier médical. Personne ne peut y accéder sans son accord, sauf dans les situations prévues par la loi (mineur, majeur protégé). Après son décès, ce principe demeure, mais les articles L. 1110-4 et L. 1111-7 du Code de la santé publique instaurent une exception.

Les informations médicales peuvent être communiquées à :

  • ses ayants droit ;
  • son concubin ;
  • ou son partenaire de PACS.

Toutefois, l’accès n’est possible que si le défunt ne s’y est pas opposé de son vivant. La jurisprudence confirme la primauté de cette volonté, notamment par une décision de la CADA du 13 juin 2022 rappelant que l’opposition du patient fait obstacle à toute demande.

Trois motifs légaux et aucun autre

La loi limite strictement l’accès au dossier médical à trois objectifs :

  • connaître les causes de la mort ;
  • défendre la mémoire du défunt ;
  • faire valoir ses droits (procédure successorale, action en responsabilité, etc.).

Le demandeur doit préciser le motif invoqué. L’établissement de santé ne communiquera que les informations strictement nécessaires à cet objectif. Un dossier complet ne sera transmis que s’il est indispensable. Certaines pièces, comme les notes personnelles des soignants, demeurent inaccessibles.

Cette exigence de proportionnalité a été confirmée par la jurisprudence (notamment CE, 26 sept. 2005, CNOM) et par des avis CADA (5 juillet 2007 ; n° 20064554 ; n° 20192033 et n° 20192055 du 31 déc. 2019).

Identifier les ayants droit : une étape essentielle

La qualité d’ayant droit est définie par l’article 734 du Code civil (ordre successoral). Peuvent être reconnus ayants droit :

  • les enfants et leurs descendants ;
  • les père et mère, les frères et sœurs et leurs descendants ;
  • les ascendants autres que les parents ;
  • les collatéraux plus éloignés.

L’établissement de santé doit vérifier cette qualité (par exemple via livret de famille, acte de naissance ou acte de notoriété). La CADA a rappelé (avis n° 20190636 du 31 déc. 2019) que tout moyen de preuve est recevable et qu’un conflit entre héritiers ne saurait justifier un refus.

Par ailleurs, chaque ayant droit dispose d’un droit individuel d’accès : plusieurs demandes peuvent être formulées séparément et l’établissement doit répondre à chacune d’elles (CADA, conseil n° 20104663 du 2 déc. 2010).

L’accès au dossier médical d’une personne décédée constitue une exception étroitement encadrée au secret médical. Il n’est jamais automatique et suppose : l’absence d’opposition du défunt, l’invocation d’un des trois motifs légaux et la preuve de la qualité d’ayant droit. Ce cadre concilie protection de la vie privée et droits légitimes des proches, et impose une mise en œuvre rigoureuse par les familles comme par les établissements de santé.